Les marionnettes sur l’eau constituent un art populaire très répandu dans le delta du Fleuve Rouge. L’art des marionnettes sur eau est une tradition populaire millénaire datant du 11e siècle, sous la dynastie des Ly. Il est né dans les fêtes saisonnières qui rythmaient la vie religieuse et agricole des paysans et des pêcheurs du delta du Fleuve Rouge. L’eau y joue un rôle essentiel pour l’activité économique reposant sur la pêche et la riziculture, c’est donc en toute logique que les spectacles représentés à cette époque se déroulaient sur l’étang du village. Ils montrent à la fois des scènes de la vie quotidienne du village, comme les travaux des champs ou dans les rizières, les activités des jeunes, etc. mais aussi des scènes d’amour ou de jeu, et des scènes religieuses avec des divinités locales.
Il est généralement joué à l’occasion du Têt dans les mares situées devant les maisons communales, rassemblant les spectateurs de tout âge du village.
La scène est une étendue d’eau derrière laquelle se trouve la chambre des montreurs. C’est à partir d’ici que les marionnettistes, à moitié plongés dans l’eau et cachés derrière un rideau de bambou, manipulent les comédiens en poupées par un mécanisme fait de perches, de tiges, de gaines et de charnières. Un spectacle de marionnettes sur l’eau est animé par plusieurs « personnages ». Chacun de ces personnages (la marionnette) est une véritable oeuvre de sculpture populaire, différent des autres et revêtu d’un caractère propre. Le personnage le plus représentatif de cet art scénique est le petit TEU au corps arrondi et au sourire optimiste
Le déroulement d’un spectacle traditionnel
La représentation est annoncée par plusieurs roulements de tam-tams. L’orchestre est majoritairement constitué d’instruments à percussion afin de mieux rythmer les gestes des marionnettes. Dans le bruit des tambours, des crécelles, des cors en cor
Les personnages entrent en scène et sortent de scène à travers le store de bambou, glissant gracieusement sur l’eau. Un double choeur, masculin et féminin, échange questions et réponses en guise de commentaire. Le véritable meneur de jeu est la marionnette Teu, solide gars de la campagne. Il présente le programme et raconte les affaires du village. Buffon, il critique les autres personnages, les tourne en ridicule, prodigue des conseils, provoque le rire. Optimiste et sensé, il se permet de décocher des flèches à la hiérarchie féodale.
Plusieurs numéros enchantent l’imagination populaire: danse des fées au son des flûtes, évolution des dragons crachant des trombes d’eau et de feu, ébats des phénix amoureux. Mais ce sont les scènes de la vie quotidienne qui font le charme d’un art scénique paysan: combat de buffles; la pêche (les poissons sautent hors du filet et renversent la barque où se trouvent l’homme et sa femme); la jeune mère qui s’arrête de tisser pour donner le sein à son nourrisson qu’elle endort ensuite par une berceuse nostalgique; le renard qui grimpe sur un arbre pour attraper un oiseau ou qui vole un caneton à un vieux couple ; le mandarin qui saute du palanquin pour enfourcher un cheval… Le répertoire comporte aussi des scènes tirées de l’opéra populaire chèo, de l’ancienne histoire du Vietnam et des classiques chinois. C’est donc toute l’âme de la rizière vietnamienne qui s’exprime avec ses personnages, traditions, rituels, animaux familiers, dieux et génies divers
Les spectacles sont normalement réalisés dans un bassin d’eau de 5 m2, la surface étant la scène. Les performances ont lieu sur l’un de ces trois sites : sur les étangs traditionnels des villages où une zone de rassemblement est aménagée, sur des citernes mobiles construites pour les artistes itinérants ou dans un bâtiment spécialisé où un bassin a été construit. Jusqu’à 8 marionnettistes se tiennent derrière un écran en bambou fendu, décoré pour ressembler à une façade de temple, et contrôlent les marionnettes à l’aide de longues tiges de bambou et d’un mécanisme à cordes caché sous la surface de l’eau
Un orchestre traditionnel vietnamien fournit un accompagnement de musique de fond. L’instrumentation comprend des voix, des tambours, des cloches en bois, des cymbales, des cors, des Đàn bầu (monocorde), des gongs et des flûtes en bambou. Les notes claires et simples de la flûte de bambou peuvent accompagner la royauté tandis que les tambours et les cymbales peuvent annoncer bruyamment l’entrée d’un dragon cracheur de feu.